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Ευρωπαϊκή Εταιρεία Νεοελληνικών Σπουδών

Γ΄ συνέδριο της Ευρωπαϊκής Εταιρείας Νεοελληνικών Σπουδών

Vassia Karkayanni- Karabelia

Les « pamphlets » du patriarche Kallinikos et la montée des Lumières en Grèce.

Le titre que j’ai donné à la présente communication '’Les pamphlets du patriarche Kallinikos - et la montée des Lumières en Grèce'' peut paraître paradoxal, à plusieurs égards tant la personnalité de ce hiérarque est controversée. Né à Zagora, sur le mont Pélion, en1713, parti étudier à Constantinople en 1728, entré ensuite dans les ordres, devenu métropolite de Preslav (Προïλάβου/ Βραïλας ) en 1743, puis allé en Valachie-Bogdanie sur invitation de l' ηγεμών de l' époque Constantin Mavrokordatos, Kallinikos est monté sur le trône œcuménique de Constantinople le 16 janvier 1757 dans un contexte politique et religieux très agité ( suite à des troubles violents provoqués par le mouvement anabaptiste ( Αναβαπτισμός ) auquel il fut mêlé, ainsi que le Saint Synode, le pouvoir Ottoman, la diplomatie occidentale et la population de Constantinople) pour en être finalement chassé de façon violente à peine 6 mois plus tard. Les publications les plus anciennes comportant des indications biographiques un peu plus éloquentes sur ce dernier, celles tout d’abord de son contemporain Αθανάσιος Κομνηνός Υψηλάντης dans Τα μετά την Άλωσιν (1453-1789), Εν Κωνσταντινουπόλει 1870 ; de Δανιήλ Φιλιππίδης et Γρηγόριος Κωνσταντάς ensuite, également ses contemporains et originaires de la même région (le Mont Pélion) dans leur Γεωγραφία ΝεωτερικήΠερι της Ελλαδος, publiée a Vienne en 1791; ceux de Σέργιος Μακραίος, dans ses Υπομνήματα Εκκλησιαστικής Ιστορίας,( 1750-1800 ) [1], pour ne mentionner que les plus connues, en donnent une image contrastée et plutôt ‘négative’, par rapport au moins à ''l humanisme religieux'' précurseur des ''Lumières'' qui se manifeste déjà à cette époque au sein de l'orthodoxie orientale. On pourrait même dire qu’il en est diamétralement opposé, quelle que soit par ailleurs son érudition et ses connaissances: ses textes en témoignent. Komninos Hypsilantis en particulier, médecin, Phanariote, ayant étudié en occident, ''conservateur'' mais d’une grande acuité critique et d’une conscience morale très développée, lorsqu’il nous offre dans sa Chronique (qui commence à Jules César pour arriver jusqu’après 1789) un aperçu passionnant et presque au jour le jour des événements survenus à Constantinople de son temps auxquels il participe de près ( il fut notamment ‘πρωτοσπαθάριος’ de Stéphane Rakovitza; médecin principal / ‘αρχίατρος’ de Rayip-pacha (Ραγηπ-Πασσά) et Grand Sacristain de l’ Église du Christ / Μέγας Σκευοφύλαξ της τού Χριστού Εκκλησίας ), il y relate les agissements de Kallinikos dans les intrigues de pouvoir ( au sein de l’église orthodoxe et du patriarcat, de la société Constantinopolitaine, de la Porte ottomane) de façon telle, que ce dernier nous apparaît comme une personnalité avide, fanatique, « réactionnaire » - pour employer un terme d'aujourd'hui. Mais, il faut se garder de l’emploi de telles qualifications, toutes justifiées qu’elles paraissent, afin d’étudier sans à priori les sources, qui peuvent souvent témoigner de façon négative des réalités, nous permettant ainsi de les appréhender dans l’ensemble de leurs facettes, complexités, richesses. Un Kallinikos qui, après sa disgrâce, sera exilé d’abord à Limnos, puis pendant 4 ans au monastère de Sinaï (à Petra d’ Arabie), d'où il s’évadera pour revenir en cachette à Constantinople le 20 avril 1761, période qu' il décrit avec moult détails, fort intéressants pour l' historien. Il obtiendra finalement, sur intervention du Sultan, la permission de regagner son village natal en octobre 1762 .C' est là, à Zagora, où il résidera jusqu'à sa mort, le 6 janvier 1791.

C’est à partir de ce retour forcé à Zagora que sa personnalité commença personnellement a m’intéresser lorsque, historienne d’art débutante, j’entrepris des recherches sur l’art et la société en Grèce de la fin du 18e siècle, en Thessalie notamment et sur le mont Pélion - sous l'influence et grâce aux enseignements du professeur Constantin Dimaras. En effet, Kallinikos avait joué un rôle très important dans la vie non seulement religieuse ou spirituelle, mais aussi sociale et politique de toute la région. J’en acquis la certitude que même au niveau de la construction des églises érigées pendant son séjour dans la périphérie du Pélion et de la métropole de Démétrias, (où son propre frère fut nommé métropolite), sa contribution a été déterminante: plusieurs églises ont été bâties selon ses propres plans et dessins, conservés à la bibliothèque de Zagora. Cette bibliothèque, fondée par Ioannis Pringos, riche commerçant originaire du village et installé à Amsterdam[2], avec l'aide sur place de Kallinikos, est d’une extraordinaire richesse. Pringos y avait envoyé au total un millier de livres - ouvrages littéraires, historiques, religieux, scientifiques aussi, allant grosso modo de 1516 jusqu'à 1749, couvrant pratiquement tous les domaines du savoir, en plusieurs langues, portant spécialement sur l’histoire, la langue et la philosophie de la Grèce antique et édités chez les meilleurs éditeurs Européens. Il y avait également envoyé des instruments de physique, pour l’instruction scientifique des élèves. A ce fond furent ajoutés par la suite, les livres personnels de Kallinikos, qui laissera également à la bibliothèque ses propres manuscrits, la plupart restés inédits jusqu’aux débuts du 20 siècle[3]. La bibliothèque et ses livres, faut-il le signaler, devaient à l'époque servir et soutenir le travail effectué à l' école communale , fonctionnant de façon irrégulière depuis les débuts du 18e siècle mais reconstruite en 1777 avec, encore une fois, le concours financier de Pringos et appelée Ελληνομουσείον. Dans cette école suivront leur scolarité plusieurs personnalités marquantes des Lumières grecques, parmi lesquels Rigas Velestinlis/Ferraios, ''premier martyr'' de la Révolution hellénique - dont la signature est apposée sur un des livres conservés, Anthimos Gazis, Grigorios Konstantas, Philippos Ioannou à une période plus tardive. La correspondance entre Pringos et Kallinikos, concernant les lots de livres déjà achetés et envoyés par Pringos à Zagora, mais concernant également le genre d’ouvrages (nécessaires, selon Kallinikos d’un coté, Pringos de l’autre, à l’éducation des chrétiens), est d’une grande importance pour esquisser la personnalité des deux hommes, de leur lieu de vie et de leur milieu (économique, social, éducatif et culturel), ainsi que de leurs orientations générales. « L' image » de Kallinikos en sort autrement plus nuancée qu’à travers la Chronique d’ Hypsilantis, les récits de Constantas – Filippidis ( carrément hostiles, à juste titre) ou de Sergios Makraios et de Yannis Kordatos aussi, plus tard. Ce qui attire bien plus l’attention, c'est le contenu des manuscrits qui lui sont attribués, ainsi que de ceux qu’il a éventuellement copiés et remaniés, et qui ont été publiés par V. Skouvaras. Il en va de même pour leur forme puisqu’il s'agit pour la plupart de textes en rimes (ριμάδες) comme ceux de Kaissarios Dapontes par exemple, auxquels ils peuvent d’ailleurs être apparentés même du point de vue de la langue employée, à savoir proche de la « langue ''commune' » de leur temps, avec de nombreux archaïsmes et idiotismes. Ils peuvent par ailleurs être aussi apparentés à l’Histoire de Stavrakis ( Iστορία τού Σταυράκη),une ριμάδα beaucoup plus connue, sans doute pour avoir eu la chance d'être publiée 14 fois depuis la mort de son héros et personnage principal, puis rééditée en 1870 par Émile Legrand[4]. Signalons de même que ces ριμάδες sont pratiquement toutes contemporaines, que leurs auteurs font partie des mêmes milieux et couches sociales élevées de Constantinople et qu’elles sont caractérisées par le même ton ''critique/ didactique'' au sein d'un ensemble spirituel chrétien/orthodoxe similaire. Elles restent cependant, celles de Dapontes et de Kallinikos surtout, très attachées aux joies de ce bas univers terrestre: leurs descriptions culinaires par exemple de plats et boissons variés, l' appréciation appuyée des bons vins, des bons poissons et de la bonne pêche en général; le goût qu' ils manifestent pour les fruits, légumes, plaisirs de bouche et de chair divers; mais aussi leurs préférences pour les logis confortables et bien aménagés, les bosquets, les bassins limpides, les fleurs, la beauté des femmes, et même les vêtements et ''décorations'' vestimentaires diverses[5], les éloignent sensiblement de l' ascétisme et de la litote prônés par les gens d' église. Dans tous les cas, la teneur littéraire, esthétique, et essentiellement historique des ριμάδες de Kallinikos, de Dapontes et de Stavrakis me semble de même valeur.

Venons-en maintenant à l'examen de quelques fragments choisis dans certaines des œuvres attribuées a Kallinikos, manuscrites par lui et conservées dans sa bibliothèque:

A. La « Κωμωδία αληθών συμβάντων εν Κωνσταντινουπόλει το aψνε (1755) έτει », manuscrit n° 194 de la bibliothèque de Ζαγορά.

B. ‘Ακολουθεία στηλιτευτική κατά Κυρíλλου του Ε. Ποίημα Εξάψεως ή της δωδεκαστοίχου. Ακολουθεία στηλιτευτική κατά Κυρίλλου Πατριάρχου Κωνσταντινουπόλεως τού μειζοτέρου, ως υποπεσόντος τη αιρέσει των αναβαπτιστών, και επικυρώσας την σαθράν βίβλον τινός Χριστοφόρου Αιτωλού(..), manuscrit n° 102 de la bibliothèque de Zagora..

C. Σπλανοσπαράχτης[6], écrit selon Skouvaras en 1756.

Essayons d'en faire ressortir, dans le court laps de temps imparti à cette communication et ne serait-ce qu'à contours très flous, la dimension historique des événements relatés pendant la période critique des années 1750 – 1760 plus spécifiquement, où des conflits violents agitent les cercles du Patriarcat Orthodoxe ainsi que toutes les classes sociales constantinopolitaines, pour des raisons en apparence purement religieuses.

Il faut néanmoins rappeler auparavant quelques faits, et dessiner rapidement les traits de certains personnages qui se trouvent au centre des événements rapportés. La personnalité du patriarche Kyrillos E' est certainement assez bien connue par bon nombre de participants à ce Congrès. En particulier pour le rôle qu'il a joué dans la réalisation de l’Académie du Mont Athos (Αθωνιάδα) qu'il soutiendra moralement et financièrement durant la brève période de son premier et second patriarcat. Pour son souci, également, d’assurer à l’Académie un enseignement de qualité: en 1748 par exemple nous savons que, à son instigation et par l’intermédiaire de Theoklitos Polyeidis (auteur du fameux Αγαθάγγελος) qui s’ était déjà rendu à Halle en 1746, il avait été demandé au Docteur protestant de l'Université de cette ville Baumgarten, de trouver pour l’école de l’Académie une personne apte a enseigner ‘την κατα κóσμον σοφίαν και την επιστημονικήν γνώσην του θεού’, afin de venir sur l’Athos, et peut-être diriger l’Académie. Kyrillos E’ est également celui qui a confié par sigille patriarcal à Eugénios Voulgaris, en 1753, lors de son second patriarcat, la direction de l’Académie Athonite dont la construction des locaux était pratiquement achevée - et nous avons maintes témoignages, a commencer par celui de Μoissiodax, sur le genre de pédagogie et les matières enseignées par Voulgaris, qui était même favorable à la création d’une typographie sur l’Athos, qu’il n’a pas pu finalement réaliser. Une communauté, une ‘réciprocité’ de vues, existaient en somme ‘entre l’enthousiasme de Voulgaris et les visions de Kyrillos qui ''allaient jusqu’aux ambitions les plus élevées de la renaissance de la nation'', comme le signale Alkis Aghelou[7].

Ce fut pendant son patriarcat que le mouvement de l’ Αναβαπτισμόςfit son apparition à Constantinople. A son origine se trouvait le diacre Afxentios( d' où Αυξεντιανά ), ami et adepte de Kyrillos, qui enseignait le peuple contre les « nouveautés » introduites par le pape et contre les Latins, refusant même le baptême de l’église catholique et considérant que tous les Latins (à commencer par ceux de Constantinople) devaient se baptiser de nouveau. Kyrillos, haïssant les Latins, laissait faire, provoquant une première fois sa déposition; mais appuyé par la population, il remonta sur le trône patriarcal et proclama, en 1754, le ré baptême des Latins. (Αναβαπτισμός των Λατίνων). Les cercles du haut clergé et du patriarcat qui lui étaient hostiles essayèrent de le chasser mais, selon Komninos Hypsilantis, il sortit vainqueur grâce au soutien du peuple et des corporations de Constantinople. Kallinikos, violemment opposé à Kyrillos, parvint (en payant une grosse somme d’argent à des proches du Sultan Osman, ainsi que grâce a une amie appelée ''Kalitza franguissa'') à le chasser de nouveau du trône, pour y monter lui –même en 1757 et ce, pour la courte période évoquée précédemment. Après l’élection du nouveau patriarche prorusse Séraphim (qui est proche de Voulgaris, également prorusse, et que Kallinilos traite d' ''athée'' et d' ''infidèle'' dans certains de ses textes)[8] invitera Voulgaris à venir à Constantinople célébrer en grande pompe la fête des Russes (la Saint André) et même prêcher en décembre 1759. Kallinikos, lui, est exilé au Sinaï.
*
Commençons notre examen de fragments par un vers de Splanosparachtis, où l’auteur, en se référant aux adeptes de Kyrillos, écrit: ''σύρφην λαόν διέφθηραν απατηλοίς λογίοις'' (ils ont corrompu le peuple vulgaire avec des mensonges). Ce qui se cache sous ce peuple vulgaire corrompu par Kyrillos et ses adeptes (de quels gens s’agit-il, quel est leur nombre, leur appartenance sociale, leur niveau d'instruction etc.) nous essayerons de l'appréhender en examinant d'autres strophes, dans le même fragment – ou dans des poèmes de la même collection. Effectivement, un peu plus loin sur la même page que la précédente, nous lisons:''οίτινες ( les partisans de Kyrillos ) ως και πρότερον έτρεχον ως λυσσώντες/ κύνες εν καταλύμασι , εν αγοραίς, εν οίκοις/ και τοις ολέθροις δήγμασι μετέδωκαν τω όχλω/ και τοις ρηθείσι άρχουσι δεινόν της λύσσης πάθος''.Et encore plus loin: ''(...)οι λαοπλάνοι/ επλήρουν καταλήματα, τας αγυιάς και οίκους/ χριστιανούς συγχέοντες τους προπεπλανημένους/ και άλλα ούτοι πάμπολλα έλεγον βαρβάροις/ και δυσμενώς συνέχεον εκείνους, και εξείπτον''. Puis, toujours sur la même page:''Οχλος και χύδην ο λαός απέρριψεν αισχύνην,/ τέχνας κατελιπον αυτων και της ζωής τον πόρον/ ήρπασαν δε το πρόσωπον αγίας της συνόδου./ Ο ραπτης γίνεται κριτής, ο κτίστης θεολόγος/ δερματορράπτης δ' αύθις τε ρήτωρ αποκατέστη/ Ο σκυτοτόμος και χαλκεύς, παρόμοιά τε άλλοι,/ ψήφους τελούσιν αναιδώς των προχειριζομένων/ εις μητροπόλεις κλίματος θρόνου της Κωνσταντίνου./ Oι πλείονες δε εξ αυτών άμοιροι διαλλέκτου/ τυγχάνουσι ρωμαїκής και τουρκιστί λαλούσι./ Ου ταύτα θρήνων άξια, οικτράς τε τραγωδίας;''

Nous avons ici une série de qualifications et définitions qui nous permettent d'avancer certaines hypothèses raisonnées. Les adeptes de Kyrillos courent paraît-il « comme autrefois » dans les rues, tels des chiens enragés, et entrent dans les maisons, les immeubles, les marchés, pour transmettre le poison terrible de leurs croyances aux masses (τω όχλω) de même que la maladie terrible de la rage aux ''notables mentionnés'' (τοις ρηθείσι άρχουσι), dont nous ne savons encore rien. Ces Cyrillistes, ''λαοπλάνοι'', s'adressent selon l'auteur au bas peuple (« χύδην λαόν »), l'amadouent et lui montent la tête. Un peuple qui, pourtant, ne semble pas être si vulgaire et bas mais se composer plutôt des couches de petits commerçants et artisans de Constantinople. Ils ne connaissent même pas le grec et parlent en turc, nous dit-on encore. Nous serons un peu mieux éclairés sur l'identité de ces gens lorsque nous aborderons la '' Κωμωδία Αληθών συμβάντων...''( cf. Β.Σκουβαρά, Στηλιτευτικά κείμενα.., ibid., p. 183 ) de Kallinikos: Nous y voyons en effet venir en provenance du Phanar un adepte de Kyrillos E’ qui s'adresse à un autre de ses amis, manifestement ecclésiastique, peut être Afxentios lui-même, et lui dit: Δια να επαινέσω σε και δια να σε συστήσω,/στους Χιώτας και στους άρχοντας κοντά να ξεψυχήσω./Ως τόσον τώρα κήρυττε με κάθ’ελευθερίαν/να διεγείρεις τον λαόν νάχωμε φανταρίαν./ Γιατ’όλα είναι έτοιμα και τ’άσπρα και τα μεσα... Et plus loin, un autre fidèle de Kyrillos: Εγώ ‘χω τώρα άρχοντας πολλούς πεπλανημένους, / ομοίως και αρχόντισσες και Χίους παινεμένους. A quoi un autre adepte, Makarios, répond: Κι εγώ 'χω λίγους, μιαρέ, όλoυς τούς ζαβζαντζίδες,/ όλους τους Χίους τους λωλους, όλους τους σπανακτζίδες/ και γουναράδες περισσούς κι όλους τους ταουκτζίδες,/ μπακάληδες και λεπτουργούς και όλους τους ταστζίδες. Sur quoi Kyrillos ( un autre que le patriarche ) continue: ( ...) και απο μένα ήξευρε πλήθος Μωραϊτάδων,/ το γένος το παμμίαρον, σιρέτιδων ναμντάδων(..). Nous obtenons d'autres renseignements et nous avancons un peu plus dans la caracterisation de ceux a qui s'adressent les discours ainsi que les ecrits des adeptes de Kyrillos, dans un autre texte en vers de Kallinikos ( cf. Β.Σκουβαρά, Στηλιτευτικά κείμενα.., ibid. p. 81, manuscrit N° 119 de la bibliothéque de Zagora ): (...)την βίβλον την κακόσχημον, την πλήρη βλασφημίας, /αιρέσεως καλβινικής και μετα προθυμίας/ υπέγραψε, εβεβαίωσε, μετέδωκε στο πλήθος/ εις τον λαόν τον αμαθή που βρίσκεται στο βύθος / βαθύ της αμαθείας τε και της απαιδεσίας / οπου να κάμ' αδυνατεί κρίσιν της εκκλησίας,/ οπου κανόνες τι θα πουν συνόδων, αποστόλων,/πατέρων Εκκλησίας μας και διδασκάλων όλων/ μήτ' είδαν, μήτε άκουσαν, μητ' όλως εννοούσι,/ βιβλίον Εκκλησίας μας τι λέγει άν ευρούσι./ Nous voyons ici venir du « Phanar » quelqu’un qui s’est pleinement dépensé pour introduire le partisan de Kyrillos auprès des originaires de l’île de Chio, dont la communauté ( commerçants et grands commerçants) était des plus puissantes à Constantinople, de nombreux habitants de Chios étant par ailleurs aux avant postes des luttes pour l’ éveil spirituel et national des hellènes dès cette époque. L’opération a réussi, et désormais il pourra prêcher librement pour soulever le peuple et provoquer la révolte. Car tout est prêt, aussi bien l’argent que les moyens. Le dénommé Mισαήλ (dont le nom, Μιχαήλ - personnage réellement existant et agissant - est déformé exprès, et que nous retrouvons dans d’autres poésies de Kallinikos) prend ensuite la parole et explique que lui aussi a leurré plein de notables, ainsi que des femmes et des originaires de Chio réputés. Puis Makarios (personnage également réel, appartenant aussi au cercle de Kyrillos) ajoute qu’il a pareillement enrôlé beaucoup de gens, tous ces fous originaires de Chio, et des fourreurs, des épiciers, des bijoutiers. Toute une liste d’artisans et petits commerçants de la ville est énumérée, configurant les corporations correspondantes et plus généralement les couches de population qui étaient sensibles aux idées de Kyrillos et ses adeptes. Ici, comme dans les strophes et poésies suivantes qu’il nous est impossible de traduire ni d’analyser in extenso dans le cadre de la présente communication, claire est la dépréciation de l’auteur à leur égard, et son opposition envers le pouvoir que manifestement ils exercent auprès de la population urbaine. Avec une hargne particulière Kallinikos s’adresse à celui, ecclésiastique, qui a signé une ‘bible’ hérétique pleine de blasphèmes calvinistes (la cible est ici Christophoros Aitolos qui, encouragé par Kyrillos E, avait publié un livre traitant du ré baptême des Latins[9], et qui l’a diffusé aux masses et au peuple inculte. Peuple si enfoncé dans les profondeurs de son ignorance, nous dit encore l’auteur, qu’il est incapable de juger l’Eglise, puisqu’il ne sait même pas ce que signifient les canons des synodes, des apôtres et des pères de l’église, n’en a ni vu ni entendu parler ni ne peut les comprendre s’il les trouve. Voila encore quelques strophes du même manuscrit, où l’on voit les méthodes particulièrement bien pensées et mises en oeuvre par toutes ces vilaines gens, pour s’approcher du peuple et atteindre leurs buts: (...) μετ’αναιδείας/ και της βαρβαρου γνωμης τους, παντολμου τους κακιας,/ ολους κοινώς περίπαιξαν με στίχους, με ριμάδες,/και τα εμοίρασαν παντού σ’όλους τους μαχαλάδες,/εις τα τζαρσιά και χάνια, κι έτι με ζωγραφίας /εις χλεύην τε και όνειδος συνόδου της αγίας. Ainsi, avec des rimes et des poésies, et encore des images que ces contestataires distribuaient dans tous les quartiers et toutes les auberges, tournaient – ils tout le monde en ridicule, pour la grande risée et honte du saint synode! Les renseignements qui nous sont ici offerts sont précieux, puisque nous n’avons connaissance qu’à travers ce genre de textes de tels ‘détails, ’et de la réaction aux activités protestataires. Car les rares publications témoignant des memes phénomènes mais de façon toute différente (des problèmes de l’éducation, de la justice, des nouvelles classes montantes, des luttes sociales et de la montée du mouvement des Lumières en Grèce) comme l’Apologie de Iossipos Moissiodax (Vienne 1780), ou la Απάντησις ανωνύμου προς τους άφρονας αυτού κατηγόρους ή Περι θεοκρατίας (Leipzig 1793), de Christodule d’ Acarnanie( Pamplekis), sont plus tardives et proches de la Révolution Française, qui a totalement transformé le paysage mental et politique Européen. Leurs auteurs étaient de surcroît persécutés par le patriarcat orthodoxe constantinopolitain de leur temps, les livres notamment de Christodule brûlés et lui-même excommunié. Leur comparaison avec les pamphlets de Kallinikos est par conséquent d’autant plus intéressante.

Des renseignements et qualifications analogues à celles mentionnées plus haut, nous en trouvons également beaucoup dans Σπλανοσπαράχτης .En voilà un exemple, concernant Christophoros Aitolos: (...)Ούτος δε ο Χριστóφορος ήτο το πρίν μπακάλης, /και κει εις την μπακαλικήν, ως έτερος Ουάλης, έμαθε, εδιδάχτηκε δόξαν των μανιχαίων. / Είτα συναριθμήθηκε εις τάξιν των σπουδαίων. A ce même Christophoros s’adresse une autre épigramme pamphlétaire de Kallinikos: Μπακάλικον ενόμισας, τρελλε΄, Θεολογίαν, / κι αντι να γράψεις κάτι τι γράφεις μυθολογίαν/ εσύ δεν έμαθες, τυφλέ, ακόμ’ορθογραφίαν, και πώς ετόλμησας να μπείς και στην θεολογίαν. / Le manque d’éducation , en priorité religieuse, est constamment mis en avant concernant tous les opposants. Ainsi dans un autre fragment, concernant encore une fois le dénommé Missail: «(...) το ξέστρωτο γαιδούρι / τον γεμιτζή και τον κρασά, οπου εκουβαλούσε/ το αφθονιάτικο κρασί κι εις πόλιν το πωλούσε/ (...)/Μη δυνηθείς δε κοσμικόν με το οινοπωλείον/ να εύρει πόρον των του ζείν, μετέβαλε τον βίον / ήγουν εκαλογέρεψε, διάκονος εγίνει,/ στην Πόλιν απεφάσισεν εις το εξεις να μείνει./ Και όντας υπό γέροντα άρχισε να σπουδάζη,/ γραμματικήν αγορασε δια να διαβάζη/ Και μόλις ετελείωσε λόγου οκτώ τα μέρη, /Χρυσολωράν εδιάβασε εις ένα καλοκαίρι,/και είτα του Λουκιανού πέντ’έξη διαλόγους,/κι ευθύς με τους καθηγητάς και με τους θεολόγους /του λόγου του κατέταξε».(cf. Β. Σκουβαρά, Στηλιτευτικά κείμενα.., ibid. p. 67). Les métiers « vulgaires » pratiqués par ces gens avant leur engouement tardif pour l’instruction, et le peu de temps passé sur les bancs d’une école, doit-on ici comprendre, ne leur permettent pas de prétendre à la compréhension des textes religieux ou classiques, ni de se comparer aux lettrés, ni, surtout, de revendiquer une place (un pouvoir) parmi eux. Un autre trait caractéristique de leur ‘barbarie’, et de la bêtise de l’autre Kyrillos, le moine, est souligné dans le passage suivant: Οταν σε ήκουσα τρελλέ, τον Πλάτωνα να βρίζεις,/ Αριστοτέλην τον σοφόν, μ’εφάνη να γκαρίζεις./ Comble d’impudence, ces gens, ces ânes finalement, osent même contester et injurier Platon et Aristote! Et ce n’est pas tout, entraînés par certains « faux abbés, ils vont jusqu’à rêver et attendre leur libération du joug Ottoman. C’est ce que nous voyons dans un dernier texte, qui clôturera notre intervention. Il fait partie de la Κωμωδία αληθων συμβαντων εν Κωνσταντινουπολη... de Kallinikos, et exprime les pensées d’un adepte de Afxentios repenti: Που φτανει ο νους σου, αθλιε, να στοχαστεις εκεινα/ οποσα εστοχαζοντο μου φαινονται τζορτζινια, / οι οπτασίες πόβλεπαν αυτοί οι ψευδαββάδες / και μας τα εξηγούσασι αυτοί οι μασκαράδες. / Με το Χριστό και Παναγιά είχασι μουχαμπέτια,/με τους αγγέλους πάντοτε εκάνασι σοχπέτια. Εκείνοι τους βεβαίωσαν, όλοι τους έτζι λέσι, / κίνησι μόν’ να κάνωσι κι ο Τούρκος έχει πέσει /και βασιλέα ευσεβή να κάμουν όποιον θέλουν,/ κι αυτοί τον εψηφίσασι, να τον κηρύξουν μέλλουν./ Πλην όλοι να νηστεύσωμεν κοινώς μας διορίσαν /ημέραν της Πεντηκοστής τον όρον εθεσπίσαν./ (.....) / Τούτο ώς της Πεντηκοστής πούλθεν η προθεσμία /να βασιλεύσει ο Κωστής κι εκάμαμε νηστεία. /Ως δ’ήλθε και επέρασε και σκλάβοι οι καημένοι / εμείναμεν οι άθλιοι, προς δε και γελασμένοι / Αρχισα να τους ερωτώ (....). Présentes sont ici les prophéties de l’Αγαθάγγελος, du ‘faux abbé’ Théoklitos Polyeidis, et les rêves que nourrissait le peuple grec assiégé d’ une libération imminente, venue peut-être du « peuple blond » dont parlaient d’autres interprétations apocalyptiques du passé. La majeure partie du patriarcat orthodoxe et les grands dignitaires de la Porte qui partageaient les mêmes idées et intérêts, se posent dans l’opposition absolue – les pamphlets de Kallinikos en témoignent - à de telles rêves, véhiculés en Grèce par les défenseurs des Lumières européennes. Fort heureusement, ce sont les rêves qui ont gagné.

 

 

[1] (Cf. Κ.Ν.Σάθας, Μεσαιωνική Βιβλιοθήκη, τ.Γ’,Εν Βενετια 1872)

[2] Cf. Βαγγελης Σκουβαράς, Ιωάννης Πρίγγος (1725 -1789) / Η Ελληνική παροικία του Αμστερνταμ, Η σχολή και η βιβλιοθήκη Ζαγοράς, Ιστορική και Λαογραφική Εταιρεία των Θεσσαλών, Αθήνα 1964.

[3] Cf. Κ.Ι.Δυοβουνιώτης, Καλλίνικος Γ’, Πατριάρχης Κωνσταντινουπόλεως, tiré a part de ‘ Ιερος Σύνδεσμος’, Athenes 1915; Γ.Δεληγιάννης, ‘Καλλινικου Γ΄, πατριάρχου Κωνσταντινουπόλεως επιστολαί και άλλα έγγραφα εκ των κωδίκων της βιβλιοθήκης της Ζαγοράς’, Θεολογία 3-7(1925 -1929 ); Β. Σκουβαράς, Στηλιτευτικά κείμενα του 18ου αιώνος( κατα αναβαπτιστών), Byzantinisch –Neugriechische Jahrbücher, 20(1970),50-222.Cette publication, la premiére oú un grand nombre de textes - puisées pour la plupart a la bibliothèque de Zagora et ses codex inédits ainsi que dans la bibliotheque du Parlement hellenique , des archives de particuliers, publications diverses ,sont pour la première fois rassembles et commentes, même de façon partiale et incomplète a notre avis. Le livre récent et très attendu – car laissant espérer la publication de la totalité de la production écrite de Kallinikos de Α.Τσέλίκας, Καλλινίκου Γ΄πατριάρχου Κωνσταντινουπόλεως, Τα κατα και μετά την εξορίαν επισυμβάντα και έμμετροι επιστολαί, ‘έκδοση απο τους αυτόγραφους κώδικες και εισαγωγή’, Μορφωτικό Ιδρυμα Εθνικής Τραπέζης, Αθήνα 2004, s'il donne la possibilité d'enfin accéder a un nombre élevé des manuscrits, n'en donne pas la totalité et ne va malheureusement pas plus loin que Skouvaras dans la compréhension et l’analyse des documents, restant par conséquent aussi, pour ne pas dire plus partial dans ses jugements, tout en ne nous permettant pas de juger de Nous-mêmes.

[4] A propos des ''ριμάδες''a la fin du 18e siècle cf. Αλκης Αγγέλου, Η διαχρονική δεξίωση μιάς Ριμάδας, η περίπτωση της ιστορίας του άρχοντος και Σπαθαρίου Σταυράκη, dans Των Φώτων Β', Οψεις του Νεοελληνικού Διαφωτισμού, Μορφωτικό Ιδρυμα Εθνικής Τραπέζης, Αθήνα 1999.

[5] Cf. de façon paradigmatique Α. Τσέλικας, Καλλινίκου Γ΄ πατριάρχου Κωνσταντινουπόλεως, ibid, livre 4. p. 325-375.

[6] Θεόδωρος Παπαδόπουλος, dans son Studies and documents Relating to the History of Greek church and People under the Turkish Domination, Brussels 1952, a edité cette oeuvre sous le titre Πλανοσπαράχτης, ή στήλη Αυξεντίου και Κυρίλου και ακολούθων αυτών ανάγραπτος .Kallinikos pourtant en parle toujours dans ses notes comme Splanosparachtis. Cf. B.Σκουβαράς, Στηλιτευτικά κείμενα.., ibid., p. 174-181.

[7] Cf. Α.Αγγέλου, Το Χρονικό της Αθωνιάδας, Νέα Εστία, τ. 74, p. 84-105 ( Αφιέρωμα στο Αγιον Ορος , Χριστούγεννα 1963 ), et p. 94.

[8] Cf. p. ex. Τα κατά και μετά την εξορία συμβάντα, βιβλίον γ΄, 631-694 p., A. Tselikas, ibid p. 190: “(…) Βαβαί της αθεΐας/και ασεβείας της αυτού, τελείας απιστίας”).

[9] Cf. Σεργίου Μακραίου, Υπομνήματα, ibid p. 2003.